MAËLISS GOUCHON

Billet en accès libre et en intégralité sur le blog Alternatives Économiques.

Dans une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d’État a condamné l’État à une astreinte de 10 millions d’euros par semestre s’il ne mettait pas en œuvre, sous six mois, les mesures nécessaires pour réduire la pollution de l’air dans huit grandes agglomérations françaises. Il s’agit là, d’après l’instance, du « montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’État à exécuter une décision prise par le juge administratif », ce choix ayant été motivé par la « gravité » et « l’urgence » de la situation. La décision a coïncidé avec le début de la période post-confinement, or, lors de ce dernier, la chute brutale des émissions polluantes, liée à la réduction de l’activité du pays, aurait permis d’éviter 1 230 décès en France, mettant en évidence l’ampleur des conséquences du phénomène. Pourtant, la décision du Conseil d’État s’inscrit en réalité dans un contexte plus ancien. Le cadre actuel de l’action publique de lutte contre la pollution de l’air a été mis en place dans les années 1990, suite au développement des études épidémiologiques qui ont permis de constituer la pollution atmosphérique comme un problème public sanitaire (Boutaric et Lascoumes, 2008). En France, ce cadre est matérialisé par la loi Laure[1] de 1996, qui reconnaît à chacun « le droit de respirer un air qui ne nuit pas à sa santé ». Depuis, la tendance est à la diminution des émissions et à l’amélioration de la qualité de l’air  (CGDD, 2019). Toutefois, certaines zones du territoire, essentiellement les grandes agglomérations, continuent de faire l’expérience de dépassements encore trop nombreux des normes réglementaires européennes de qualité de l’air à long terme concernant certains polluants[2]. La décision du Conseil d’État fait ainsi suite à une autre décision datant de 2017 et à une longue liste de mises en garde répétées depuis 2008 par la Commission européenne, qui ont également débouché sur une condamnation de la France, par la Cour de Justice de l’Union Européenne cette fois-ci, en octobre 2019.

La pollution de l’air apparaît donc tout à la fois comme un problème majeur aujourd’hui, et pourtant appréhendé depuis longtemps par l’action publique. Après une courte introduction aux enjeux posés par la pollution atmosphérique, ce billet propose de revenir sur les principales difficultés de la lutte contre cette dernière, en France, aujourd’hui.