L’Europe traverse une crise d’une ampleur exceptionnelle. Le chômage dépasse 10 % dans l’Union européenne (UE), et 20 % en Espagne et en Grèce. De nombreux pays sont contraints de refinancer leurs dettes publiques à des taux insoutenables. Les faillites bancaires, grandes et petites, se multiplient. Comment en est-on arrivé là ?
Pour Pascal Lamy, la construction européenne a péché dans sa dimension symbolique. L’union a été essentiellement technique, et trop peu politique ; la crise est donc avant tout une crise d’intégration. L’UE a créé une solidarité de fait, mais pas de solidarité de droit, ni d’identité culturelle commune. La solution passe nécessairement par une communautarisation plus grande des fonctions économiques essentielles, mais aussi par une réflexion anthropologique sur ce qui unit les Européens.
Charles Wyplosz analyse les racines proprement économiques de la crise. Dans le cas Grec, les problèmes de finances publiques occupent une place centrale ; malgré des mois de renégociation, la dette publique grecque reste insoutenable : « la Grèce n’a pas terminé son défaut ». Les concessions accordées par les créditeurs sont insuffisantes ; l’économie grecque ne pourra guère repartir tant que sa dette publique excédera 60 % du PIB. Au-delà du cas grec, l’endettement public excessif est au cœur des problèmes européens, puisque l’essentiel des pays membres – Allemagne et France comprises – affichaient des niveaux d’endettement bien trop élevés à la veille de la crise. Aujourd’hui, la politique de rigueur ne fait qu’aggraver la situation.
Matthieu Crozet se penche sur le second problème économique clé auquel fait face l’UE : son hétérogénéité. Dans les années qui ont précédé la crise, les soldes des balances courantes des pays membres ont largement divergé : l’Allemagne a accumulé des excédents, quand l’Espagne ou la Grèce affichaient des déficits symétriques. Ces déséquilibres reflètent les écarts de structure industrielle au sein de l’UE, que l’union a accrus : l’industrie se concentre dans le cœur de l’Europe, ne laissant que les services aux pays périphériques.
« À qui la faute ? », demande André Grjebine. Aux prêteurs ou aux emprunteurs ? Les commentateurs ont bon être prompts à jeter l’opprobre sur la Grèce ou l’Espagne, l’Allemagne porte aussi sa part de responsabilité. En s’engageant dans une politique résolument mercantiliste, fondée sur la contraction des salaires pour gagner des parts de marché à l’export, elle a volontairement contribué au creusement des écarts de compétitivité, au détriment de sa propre demande intérieure. Mais une page est peut-être en train de se tourner : des responsables allemands ont pour la première fois au printemps 2012 évoqué la possibilité d’une hausse des salaires. Un tel rééquilibrage de la croissance allemande au profit de la demande interne serait certainement de nature à faciliter l’ajustement des pays périphériques de l’UE.
Outre l’Allemagne, la Banque centrale européenne (BCE) a fréquemment été montrée du doigt pour sa gestion chaotique de la crise. Christian Bordes fait le point sur la façon dont l’institut européen a fait face aux événements. La BCE a à la fois mené une politique conventionnelle – en baissant ses taux directeurs en période de crise – et non-conventionnelle – en se portant directement au secours du marché interbancaire, et en achetant des titres de dette publique pour limiter la spéculation. L’Histoire seule pourra dire si la BCE s’est montrée à la hauteur de cette crise historique.
Les auteurs
Pourquoi l’euro ? – Pascal Lamy
Les racines de la crise – Charles Wyplosz
Les défis de l’hétérogeneité de l’Union Européenne – Matthieu Crozet
Les déséquilibres intra-européens : à qui la faute ? – André Grjebine
La TVA sociale, une solution aux problèmes de compétitivité ? – Emmanuel Farhi
Compétitivité et développement industriel en Europe – Jean-Luc Gaffard
Stratégie de Lisbonne : l’avenir d’un échec – Elie Cohen
Le rôle de l’Europe dans la régulation financière internationale – Nicolas Véron
La BCE a-t-elle bien géré la crise ? – Christian Bordes
Politique budgétaire : engagement national et normes européennes – Jean Pisani-Ferry
« Nous avons été trop loin économiquement pour pouvoir piétiner politiquement » – Jean-Paul Fitoussi
Quelques enjeux de la coopération fiscale en Europe – Jacques Le Cacheux
Risque systémique en Europe – David Thesmar
L’austérité est-elle la solution à la crise ? – Michel Aglietta
Politique budgétaire : engagement national et normes européennes – Laurence Boone
Quel budget européen pour l’après-crise ? – Eulalia Rubio
L’euro, une monnaie internationale ? – Benjamin Carton