Le système de santé en général et l’hôpital public en particulier a été au coeur de la crise sanitaire due au coronavirus. D’autres crises, plus anciennes, fragilisent l’édifice : rémunération, organisation, mécanismes économiques de gestion qui obligent à penser les causes qui ont mené à de telles difficultés. Pour autant, les plans successifs pour “sauver” l’hôpital ont été insuffisants. A l’heure où le gouvernement se remet à plancher sur une sortie de(s) crise(s), nous publions un entretien éclairant avec Brigitte Dormont, économiste, Professeur à l’université Paris-Dauphine-PSL, membre du conseil scientifique de la revue Regards croisés sur l’économie, pour revenir sur la gestion de la crise, les causes plus profondes du malaise et l’avenir de l’hôpital public.
“Les économies demandées pour les dépenses de santé prises dans leur ensemble sont relativement modérées, mais à l’intérieur des dépenses de santé, les efforts demandés à l’hôpital ont été particulièrement importants.”
“Tout se passe comme si les responsables en charge de l’allocation des budgets pensaient savoir qu’il y a des marges de manœuvre et du gâchis de ressources. L’hypothèse implicite de ces décisions est que de toute façon on paye trop les hôpitaux, hypothèse maintenue au fil de nombreuses années de rigueur.”
“Ce ne sont pas les mécanismes de la T2A qui ont dégradé la situation de l’hôpital, mais la façon dont cette réforme a été appliquée, qui a complètement dénaturé les mécanismes visés.”
“Dans l’application de la T2A, le régulateur a clairement négligé les conséquences possibles du point flottant sur les comportements des acteurs. Il a donné la priorité à la maîtrise de l’enveloppe budgétaire, sans se poser la question de la dénaturation des mécanismes économiques.”
“En 2019, les tarifs ont légèrement augmenté car l’activité a baissé. C’est pour l’instant assez difficile à analyser, on ne sait pas vraiment ce qui se passe, pourquoi moins d’actes sont pratiqués. Ralentissement raisonnable de l’activité ou conséquence des pénuries de ressources ? Ce phénomène de baisse d’activité n’a pas encore été documenté mais est plutôt inquiétant ! Il est possible qu’il soit lié aux difficultés de recrutement de praticiens hospitaliers et d’infirmiers”
“Il y a un grand parallélisme entre la situation à l’hôpital et dans d’autres secteurs du service public comme l’éducation ou la recherche, avec une sorte de maltraitance qui passe par le niveau de rémunération des fonctionnaires et le fait que le point d’indice n’ait pas été revalorisé depuis 10 ans. Le point d’indice a ainsi perdu 10 points de pouvoir d’achat. Ceci résulte d’une volonté de baisse des dépenses publiques, un objectif poursuivi par de nombreux pays européens. Cet objectif a été endossé par le président Macron mais aussi par les deux précédents présidents. En France, la baisse des dépenses publiques intervient via la diminution du nombre de fonctionnaires et la baisse de leurs rémunérations.”
” Refuser d’augmenter le point d’indice permet aussi de développer cette politique d’individualisation des rémunérations, tout en maintenant des bas salaires hors primes.”
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